Il faut se l'avouer j'adore cette montagne.
Au premier abord, avec sa station au sommet, on ne peut pas dire qu'elle soit la plus sauvage et hostile de la région avec ses nuées de touristes été comme hivers ... Pourtant je recommande toujours à quiconque d'y monter en téléphérique car elle permet de voir un spectacle hors norme d'une beauté hypnotissante. Par grand beau à son sommet, qui ne serait pas émerveillé par les cimes enneigées de tous ces hauts sommets ? L'histoire de l'alpinisme s'est écrite et continue de s'écrire dans ce massif et il est possible de le ressentir pour celui qui voudra bien l'entendre.
Il existe plusieurs portes de sorties pour l'aiguilles. Le téléphérique bien sûr mais aussi son arête, ses balustrades ou même ses fenetres pour les amoureux du rappel. Mais la voie la plus empreintée par les afficionados de la montagne est clarement son arête Est enneigée. Un grand moment qui laisse à beaucoup un souvenir impérissable avec la promesse de part et d'autre du chemin d'une longue glissage funeste. Merci la corde, soutient moral incroyable enfermé dans quelques tresses de nylon.
Mais pourquoi tout cela ?
Nous sommes fin mars et nous avons décidé de partir à l'assaut d'une goulotte, la Chéré (D II P3 4 M3) dans le Triangle du Mont du Tacul. Soyons honnête, je ne faisais pas le fier. Levé à 6h pour un petit dej copieux et prêt à prendre l'une des premières cabines pour monter à l'Aiguille vers 7h. Le stress a le temps de s'immiser lentement... Mais nous suivons le plan et nous voilà encordés sur le glacier nous dirigeant lentement vers le départ de la voie.
C'est beau. Grand ciel bleu, pas de vent, pas trop froid : conditions idéales, nous avons de la chance. Devant nous deux cordées prennent la même route que nous. Nous ferrons donc la queue avant de commencer. Derrière nous les cordées s'élancent aussi dans toutes les directions. Nous ne serons pas non plus les derniers !
Nous marchons. J'alterne entre les pensées contradictoires : "c'est trop raide, nous n'y arriverons jamais" et "si c'est raide comme ça, ça ira ... "
Nous voila au pied de la goulotte : finalement, ca n'a plus l'air si raide ! Un peu de soulagement !
Mais il ne faut pas se relacher : il y a du monde devant, derrière. Il faut tenir sa position dans la file. Alors que nous finissons de nous habiller, la cordée derrière montre des signes d'impatience. Je m'élance alors pour les forcer à respecter l'ordre d'arrivée, sans assurage pour passer les premiers mètres de la rimaye. C'est parti !
J'avance donc sur une pente moyenne (50°), la couche de neige au dessus de la glace permet d'avancer vite sans avoir à taper avec les piolets. Simple. Arrivant à une bande de glace, je me retourne et qui vois-je ? Derrière moi le premier grimpeur de l'autre cordée est à mes talons ... Comme quoi, des malpolis, il y en a partout ... Je vois dàjà nos cordes qui se croisent et ce n'est que le début pour cette journée.
Les longueurs suivantes sont bien plus raides, plus en glace. Ce n'est pas très dur, il y a eu beaucoup de passage donc des marches sont tracées dans la glace. Ca aide ! Mais la goulotte est féquentée comme Disneyland Paris un jour de Noël (oui j'exagère...) et avec cela son petit lot de danger. Il est vrai que lorsque l'on a 24 pointes en acier aux pieds et 2 piolets, il est préfèrable de rester loin des autres et de leurs potentielles glissades ... Ou d'un jeté de corde dans la tête. Celui la franchement, je ne l'avais pas vu venir. Mais surtout, c'est aussi l'occasion de faire des belles rencontres et de parler aux relais (que faisait ce Canadien ici déjà ?). La journée s'écoule tranquilement de longueur en longueur. Nous sommes la cordée qui pousse le plus haut mais c'est une erreur : la glasse est trop fine et les pierres instables sont apparentes. Danger + fatigue, il apparait évident que c'est l'heure de rentrer !
Qui dit queue à la montée, dit queue à la descente ! Il est encore tôt et nous dormons dans un refuge pas loin ... alors nous pouvons attendre et puis il y l'essentiel : la vue ! Notre goulotte fait presque face à l'aiguille du Midi aors il n'y a plus qu'à contempler ce beau spectacle.
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