En cette semaine de l’ascension 2021, les prévisions météo sont vraiment moisies : un espèce de flux d’ouest perturbe tout, avec des précipitations pratiquement tous les jours, et des températures indignes d’une mi-Mai. Avec ces paramètres là, pas facile de prévoir une activité outdoor, en particulier en montagne. Néanmoins, l’envie de grimper, d’une façon ou d’une autre, est trop forte, alors on analyse toutes les possibilités.
Dis comme ça, OK, alors on va sortir, et ce sera soit une Grande Voie à Sinsat en Ariège, soit en plan B, un couloir Nord en alpi. Une fenêtre météo se dessine le mercredi matin, elle n’est pas très grande, un finestrou diraient les anciens, mais ça peut le faire… par contre, il a énormément plu la veille, pas sûr que le calcaire de Sinsat ait séché, donc ce sera finalement le couloir en S du Pic de Portaneille, en Ariège, à la frontière andorrane. Et ce sera en alpi, encore une fois pour un mercredi qui semble être le jour dédié aux couloirs ... Au passage, petit exploit de Ju, mon coéquipier du jour, qui parvient à me faire grimper sans mes skis !!
Après un réveil assez matinal à 4h30 du mat, et après avoir constaté qu’on est loin d’être les seuls à ne pas trop s’embarrasser du couvre feux jusqu’à 6h, on arrive au Pla des Peyres, au fin fond de la (longue, très longue) vallée d’Aston, on est à 1699m, avec des conditions « pas pires » :
On s’enquille dans la vallée à droite sur la photo ci-dessus, une fine couche de neige de la veille (quelques cms) commence rapidement à blanchir l’environnement, ça monte tranquillement et on profite du paysage :
Après une petite heure, et un coup de volant à gauche, on commence à voir l’objectif (couloir complètement à droite sur la 2ième photo). A ce stade, on a déjà mis les crabes, et la neige porte bien, ce qui évite de trop se cramer:
Arrivé au pied du couloir, au niveau du cône de déjection, celui-ci parait en super condition, il y a une couche de 5 à 10cm de neige fraiche sur un fond pas trop dur. C’est super joli et ça cramponne pas trop mal. Alors c’est parti, on décide de ne pas s’encorder dans un 1er temps, on verra plus tard si besoin. Le début monte bien même si parfois la couche supérieure s’affaisse, il faut cramponner celle de dessous. On doit être dans du 40-45°. On parvient rapidement au 1er ressaut, et là, c’est plus la même : une marche de 5m environ, à 55°, en mixte glace/rocher… et pour couronner le tout, des « parpaings » de glace tombent de la paroi à droite au-dessus de nous. Ambiance ! En gros, faut pas trainer, et c’est la partie la plus technique !
Le 2ième ressaut, encore un peu plus raide, mais protégé des chutes de glace, passera plus tranquillement, mais en faisant très attention, toute chute à cet endroit aurait des conséquences fâcheuses, le couloir n’étant pas droit, ça pourrait faire boule de flipper sur les parois !
En tout cas, l’ambiance alpi est au RDV :
Une fois passée cette partie en neige, l’affaire n’est pas encore pliée, il faut alors « poser les mains » sur l’arête pour aller chercher le sommet. Et ce n’est pas forcément anodin, il faut resté concentré, c’est du II+ avec qqs pas en III, rien de méchant, sauf que c’est en mixte, et surtout assez gazeux des 2 côtés ! On parvient alors au sommet, à 2757m, et bien sûr, c’est magnifique, malgré un vent à vous arracher la tête :
Vu les conditions venteuses, et vu qu’on se caille pas mal (le ressenti doit être à ce moment bien bien inférieur à 0°C !), on traine pas trop, et on poursuit la crête, pour aller chercher, après un col où l’on brasse pas mal, le sommet ouest du pic de Portaneille, à 2727m
La redescente se fait via un couloir encore plus à l’ouest, couloir un peu moins penché donc plus adapté à la descente : dès qu’on peut, on se met sur le c… en mode bobsleigh, c’est Ju qui est le plus performant à ce jeu là. Ça fait bizarre de devoir descendre une belle pente comme ça sans les skis, mais bon, je n’ai pas de regret, le couloir n’était pas skiant (les 2 ressauts en glace auraient été très difficile à passer, il aurait fallu activer le mode « Paul Bonhomme »), et le couche de neige n’est pas très épaisse en dehors des zones d’accumulation.
On poursuit donc jusqu’à atteindre la limite de la neige, on en profite pour enlever les crabes, et dézinguer un ou 2 ‘dwichs bien mérités. La suite, c’est une superbe balade en rive droite et en freeride (pour faire plaisir à Ju… private joke !!) en profitant au maximum des paysages magnifiques :
Quelques mètres avant d’arriver au parking, le temps est encore beau, et on se retourne pour voir d’un côté au fond de la vallée qu’on vient de descendre, le Pic de Ransol (2731m), et de l’autre côté le magnifique Pic de Rhule (2783m) avec le refuge éponyme qu’on distingue sur la gauche. A noter aussi la superbe arête ouest du petit Rhule, dans l’axe, arête visitée l’année dernière avec une belle équipe, elle est semi équipée (4 spits ici ou là) et navigue dans le 5b, très sympa !
Avant de tout plier, et de se dire qu’on n’a pas vu un miron de toute la journée, on fait une dernière photo de la vallée :
Des nuages de couleurs très foncés commencent à se présenter un peu de tous les côtés, il est vraiment temps de ranger le matos, et les barbus. La fenêtre météo était censée se refermer vers 14h, il est 14h30 quand on démarre la voiture pour rentrer et qqs minutes après, qqs gouttes commencent à venir heurter le pare-brise, c’était vraiment un finestrou, et y’avait pas de marge !!
C’est au final une histoire à 1100m D+ environ (dont 350 de couloir), et autour de 12kms, le couloir est donné en PD+ dans C2C… en discutant entre nous, et surtout à cause du 1er ressaut, on l’aurait bien mis en AD-, mais bon, on ne va pas chipoter, ce qui est sûr, c’est qu’il est vraiment chouette, et assez varié, y’a un peu de tout y compris de l’arête à la fin, sympa ! Le couloir :
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