Guidé par ce cher AntoC qui connait un peu la région, je me suis motivé le 15 juillet pour tenter l'ascension de l'Aiguille de Morges, un sommet superbe, aérien et sauvage au départ de la vallée de Champoléon. D'après les infos glanées sur le net, l'aller-retour par le vallon d'Isora fait environ 16km et 1700m de dénivelé positif, bien faisable à la journée. J'ai hâte de voir ce que ça donne même si je doute d'arriver au sommet car celui-ci semble bien escarpé, après une belle remontée hors-sentier.
Garé vers 7h30 au parking des Auberts, au bout de la route qui remonte la vallée de Champoléon, je m'apprête à attaquer lorsque je vois sur les informations accrochées au départ que le sentier de montée que je suis censé emprunter est fermé, apparemment en raison d'éboulements. Il permet normalement de monter au col de Vallonpierre pour accéder au refuge du même nom. Les randonneurs sont priés de faire le tour par le refuge du Pré de la Chaumette puis par le col de la Vallette, annoncé à 4h. Qu'à cela ne tienne, ça en rajoute un peu, mais je me dis (naïvement) que ça devrait le faire.
La première partie jusqu'au Pré de la Chaumette et son refuge (photo 1) s'avale rapidement (c’est "roulant" comme y disent). Je trottine par moments : je ne suis pas en mode trail, mais je n'aime pas trainer et je me doute qu'avec le détour il vaut mieux gagner du temps si possible. Le chemin bifurque ensuite vers le nord puis vers l'ouest pour faire le tour du Puy de la Chaumette et arriver au col de la Vallette. C'est là que ça commence à monter comme il faut (photo 2), souvent dans les pierres. Je rattrape et double une belle procession de randonneurs qui, pour la plupart, suivent le GR54 pour rejoindre le refuge de Vallonpierre.
Au col de la Vallette, j’ai enfin une première vue sur l’Aiguille de Morges. Ouch, elle est loin (photo 3) ! Il y a un autre col au milieu, celui de Gouiran. J’enchaine rapidement, prenant la tête de la procession. Une fois à ce second col, je surplombe maintenant le Vallon Plat, où j’aurais du arriver directement depuis le parking par le vallon d'Isora. L’Aiguille est derrière un dernier obstacle (photo 4) que je dois contourner par le sud en empruntant une sente. Ici commence l’aventure hors-sentier…
La sente m’emmène au Mourre de Clausis, sur lequel trône une petite cabane pastorale. En y arrivant, je surprends trois chamois qui y broutaient paisiblement. Deux d’entre eux filent à toute vitesse sur ma droite et vont se percher dans les rochers, tandis que l’autre ne m’a pas vu. Il finira par lever les yeux et s’enfuira à son tour de l’autre côté, au sud. La vue depuis la cabane est fantastique (photo 6).
Je dois ensuite emprunter une sente (photo 7) qui traverse un beau ravin en descendant légèrement. Heureusement que le troupeau est déjà passé cet été, celle-ci est (relativement) bien tracée. Seul bémol, les deux chamois qui ont filé juste avant sont désormais au-dessus et, en bons chamois, font rouler des pierres sur le chemin… Ils finiront par débouler à une cinquantaine de mètre devant pour rejoindre le reste de la harde, plus bas dans les ravines.
Au bout de la sente, j’arrive à la bifurcation entre le Vallon Long et le Val Haut, deux beaux secteurs de pâturage estival. C’est le second qui mène à l’Aiguille. Il attaque par une forte pente herbeuse qui permet de contourner des barres rocheuses le séparant du Vallon Long, avant d’onduler au gré des talwegs (mais toujours avec une pente conséquente - photo 8). La fin du vallon se redresse et devient entièrement minérale. Il faut se battre dans les ardoises pour atteindre le col situé entre l’Aiguille et le Montagnon (la quadrupédie commence là).
Une fois hissé sur la crête est de l’Aiguille, la fin n’est pas si évidente (photo 10) : il faut d’abord passer sur une belle dalle d’ardoise peu rassurante (avec les mains sur l’arête), avant d’entamer le triangle final un peu au jugé. Quelques cairns indiquent la route, mais ils sont rares et difficiles à trouver. Il faut (d’après ce que j’ai lu) quitter la crête est pour progresser vers le milieu de la face avant de remonter en direction d’une "cheminée" facile à grimper qui permet de prendre pied sur l’arête sud-ouest. Ensuite, il n’y a plus qu’à remonter cette dernière. Je ne précise pas plus que ça parce que ça me semble évident mais on met les mains tout le long... Au sommet, on retrouve un beau petit cairn et surtout une vue fantastique à 360° (photos 11 et 12). Qu'est-ce qu'on est bien perché là-haut ! Quatre heures et quart depuis le parking. Celui-ci me parait très loin...
Après un bon moment de contemplation (et de récupération), ce n’est pas tout ça, mais il faut redescendre maintenant. Je n’ai aucune idée du dénivelé effectué ni du kilométrage (forcément plus de 1700m et de 16km avec le détour). Depuis le sommet j’ai une belle vue sur le Sirac, mais aussi sur les deux cols que j’ai à remonter avant de redescendre sur le refuge du Pré de la Chaumette (photo 13). Je ne me sens pas de tenter le sentier fermé, qui possède de ce que j’ai lu quelques passages délicats. J’enclenche l’appli de running pour chiffrer la distance à la descente.
La désescalade du sommet n’est pas trop difficile. D’en haut on voit bien où ça peut passer. La dalle d’ardoise elle, est un peu plus compliquée à passer qu’à la montée. Ensuite la descente dans les pierriers d'ardoises depuis le col dans le Val Haut est presque ludique (tant qu’on ne se la colle pas). Je remonte la sente qui traverse le ravin et jette un dernier regard sur l’Aiguille depuis la cabane (photo 14). Pas déçu du voyage, c’est sublime.
La suite se complique, j’arrive en rade d’eau une fois de retour sur le GR (parti avec deux litres). Je reprends un litre et demi dans le premier torrent croisé, à l’attaque du col de Gouiran. Depuis celui-ci, je me rends bien compte du chemin parcouru mais aussi du chemin encore à parcourir (photo 15)… La montée du col de la Vallette est vraiment difficile (un bel enchainement de conversions dans les ardoises), je mets la tête dans le guidon et j’avance sans regarder plus loin que mes pieds.
Une fois au sommet, il ne reste enfin que de la descente. Je commence à me rendre compte avec l’appli que je vais surement approcher des 30km au total sur la sortie. C’est long, mais qu’est-ce que c’est long jusqu’au parking… Heureusement que le paysage continue d’en mettre plein les yeux (photo 16). Les Hautes-Alpes, les Ecrins, Champoléon, que des valeurs sûres ! J'alterne marche rapide (dans les pierres) et un peu de course pour ne pas arriver trop tard. Je vais même remplir encore un coup mon camel-back dans un torrent avant d’arriver à la voiture. Au total, la sortie aura duré environ 8h30, pour un dénivelé total cumulant les différentes montées de 2440m et 34km (et presque 4L d'eau). Aouch, c'est la première fois que je fais autant à la journée. Mais ça les valait largement !
Si vous souhaitez également tenter l'Aiguille, à part si vous voulez vous en mettre autant dans les pattes, je conseillerais de le faire en deux jours, avec une nuit en bivouac dans un coin tranquille sur le trajet (ou bien au refuge de Vallonpierre, avec une ascension le deuxième jour - un peu plus loin mais ça doit être top et permet d'en voir un peu plus). A moins que le sentier du vallon d'Isora ré-ouvre (ou passe officieusement, c'est peut-être le cas), ce qui rend les choses tout de même plus faciles.