L'UTMB® 2018 : au coeur du peloton

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L'UTMB® 2018 : au coeur du peloton

Membre du Team 1997Media /outzer,  j'ai pris le départ de LA Course de l'année à Chamonix. Voici mon expérience en tant que coureur amateur, au coeur du peloton !
article Chamonix-mont-blanc
Kara
Texte :
Alex Kara, Clément Francke
Photos :
Oliver Gough, MARION NUGUET, Maxime Roux Levrat

Fin Août 2018, je prends la route direction Chamonix, lieu d'arrivée des courses de l'UTMB®, devenu en 16 ans le sommet mondial du Trail. Chaque année, près de 10 000 coureurs prennent le départ d'une des 7 courses de cet événement planétaire.  Vendredi 31 Août 2018 à 18h00, je prend le départ de la course phare, l'UTMB®, avec ses 170km et 10 000 mètres de dénivelé positif.  Je vous raconte cette aventure !

Présentation

Salut Clément, peux tu te présenter brièvement ? 

Salut. Donc moi c'est Clément, j'ai 31 ans et je suis originaire de Haute-Savoie. L'Isère est ma terre d'adoption depuis maintenant 7 ans. Je travaille depuis 3 ans chez outzer/skipass en tant que chef de Pub.
Je pratique le ski depuis tout gamin, la course à pied est venue en peu plus tard, avec les 1ères compétitions sur route à l'age de 19 ans. Le Trail, c'est venu beaucoup plus tard, en 2012. Embauché à l'époque par un fabricant de Trail, dont le siège social  est situé au coeur du massif de la Chartreuse, j'ai découvert tout naturellement cette pratique. Simple passe-temps au début, le Trail deviendra petit à petit une passion.
Attiré par la compétition, mon 1er Trail "long" sera le Grand Trail des Templiers (73km, 3300D+), organisé dans l'Aveyron. Sans aucune expérience sur ce format, je termine tant bien que mal la course avec d'énormes courbatures...mais paradoxalement je réalise le plaisir que l'on peut prendre à courir si longtemps. Cette course sera un déclic, et le début de l'engrenage vers des courses toujours plus longues, plus montagneuses. 
Mon regard se pose ensuite naturellement vers les courses plus "montagnes" et mythiques" autour du Mont Blanc. Et je viens à bout de la CCC® en 2014, et de la TDS® en 2016.

Alors ça y est, tu fais partie des heureux finishers de l'UTMB®, quelles sont tes sensations maintenant que l’effervescence de la course est retombée, heureux ? Si tu ne devais garder qu'une seule image de la course ?

Évidemment heureux. C'est une course qui fait rêver énormément de Traileurs. On y pense beaucoup avant, on vit un truc hyper intense pendant des heures en montagne, et même après elle occupe notre esprit: On savoure, on debrief avec ses proches, on en reparle autour de soi.

Si je ne devais garder qu'une seule image, ça serait évidemment l'arrivée place du Triangle de l'Amitié.

Le monde, la musique, l'ambiance, et cette ligne tant attendue après 2 nuits Blanches passées en montagne. C'est une sensation inoubliable !

C'était un rêve "de gosse" de courir l'UTMB® ? Peux-tu nous décrire un peu ton parcours pour mener à bien cet objectif, notamment la course aux points, Combien de saisons ça t'a pris ?

Ça n'était pas vraiment un rêve de gosse, dans la mesure ou ça me paraissait inimaginable de courir 170km il y a 5 ans. Mais l'idée commencé à murir dans mon esprit quand j'ai réalisé qu'il ne me restait que 5 points à obtenir (sur les 15 exigés) pour participer, et que j'arrivais à bout de courses de plus de 100km. Je me suis dit "tiens, pourquoi je ferai pas le Tour complet moi aussi".

Obtenir les points m'a pris 3 ans. Au final, entre les points, l'impitoyable tirage au sort, on se dit qu'être au départ, c'est déjà une victoire. 

Mais je n'ai pas vu ça comme une "course aux points". J'ai considéré chaque ultra comme un objectif annuel, et non pas comme une fin en soit pour faire l'UTMB®. La notion de plaisir m'a accompagné sur chaque course, et je souhaite que ce soit toujours le cas.

Gestion de course

Comment as-tu géré l'approche de la course et le stress que cela représente, notamment la dernière semaine (repos) ? Et la dernière journée (as tu réussi à faire une sieste malgré la pression) ?

La dernière semaine, on sent forcément un peu la pression monter, face à l'énorme défi qui nous attends. Pas évident de garder de l'influx et de ne pas puiser mentalement dans les réserves. J'ai tout de même respecté 5 jours de repos complet, tout en gérant au mieux les nuits forcément agitées de cette dernière semaine avant le départ. 

Je me suis rendu à Chamonix dès le jeudi midi, pour gérer les détails logistiques très fatiguants et chronophage de l'avant-course : Trajet vers Chamonix, passage au village Ultra-Trail, récupération du dossard, préparation du sac-à-dos, derniers repas, etc.... Je savais qu'il ne fallait rien prévoir le vendredi, afin qu'elle soit la journée la plus calme et reposante possible.

On ressent quoi une fois sur la ligne de départ, dossard accroché ? Pulsations cardiaque au taquet ? Conquest of Paradise... franchement, elle met pas un peu la larme à l'oeil cette musique ?

C'est certain que le sentiment est spécial. Après avoir vu de nombreux départs, on se dit que ça y est, c'est notre tour. Le sentiment d'y être "enfin" et d'avoir beaucoup de chance. Il y a aussi tous ces élites. Incroyable de se dire que l'on est au départ en même temps que Jornet, Walmsley, Thevenard, et tous les autres....

Et oui, cette musique de Vangélis, elle rend les yeux humides. 


Une mécanique bien huilée, mais qui fait partie du mythe de l'UTMB®, et donne forcément la chair de poule.

On a coutume de dire qu'en ultra, le mental et la capacité à s'alimenter correctement tout au long de l'épreuve sont des facteurs plus importants que le physique en soi. Qu'en penses tu maintenant que tu as réussi ton objectif ? Tu as eu des moments de doute pendant la course ? Je sais que tu pratiques la pétanque avec tes collègues de bureau. Penses tu que ça t'as apporté quelque chose dans ta gestion mentale de la course ?

Je suis assez d'accord avec ça. Attention, il faut tout de même avoir une solide base physique, et s'être entrainé tout l'été, voir bien amont. Mais c'est vrai que le mental, la motivation sont vraiment déterminants. Si un Traileur n'a pas une sérieuse envie de passer du temps en montagne au début de la course, ça risque d'être compliqué d'aller au bout, même si son niveau est élevé. L'alimentation (et la digestion), c'est vrai que c'est assez similaire. Les heures passent beaucoup plus lentement si tout ne se passe pas parfaitement à ce niveau.

Des moments de doute, on en a un peu tout le temps, tant le défi sportif est grand, notamment pour 80% du peloton qui cherche avant tout le titre de finisher, plus qu'un chrono ou un un classement. Mais l'abandon ne m'a jamais traversé l'esprit, car je n'ai pas eu de pépin physique majeur. Aussi, je me savais "suivi" par beaucoup de monde, tant sur le terrain (équipe d'assistance aux points de ravitaillements), mais aussi par des amis/collègues restés chez eux. Savoir que l'on est pas seul décuple réellement la motivation ! On se dit qu'on ne vas pas finir que pour soi-même.

Est tu parti avec une stratégie alimentaire bien établie où tu es plutôt du genre à te laisser porter par l'envie du moment ? La meilleure soupe aux vermicelles, c'était sur quel ravito ?

Je n'avais pas de stratégie clairement établie, mais plus des principes en tête, acquis au fur et à mesure de l'expérience sur ce type de course. (Il y a 4 ans, sur la CCC®, nous avions consommé du riz la veille : j'ai ensuite constaté les dégâts sur toute la course).

La soupe aux vermicelles/ aux pâtes est clairement un aliment clef. Facile à ingérer, elle réchauffe, en plus de donner les protéines, lipides et glucides essentielles pour un tel effort.

Pour l'anecdote, j'ai du boire environ une trentaine de soupes sur la course (environ 2 par ravito). On peut dire que la meilleure c'était à La Balme, au début de la 1ère nuit. On a pris la pluie aux contamines, il faisait déjà très froid, elle a été très réconfortante et stratégique avant d'attaquer le col du Bonhomme.

Si mes calculs sont exacts, 42 heures de course avec un départ à 18h00 ça fait deux nuits passées sur les sentiers. Est-ce que tu t'es entrainé spécifiquement à courir de nuit ? As-tu dormi pendant la course ? As tu ressenti les effets du manque de sommeil pendant la course ? 

Et oui ça bien 2 nuits dehors, ce que les tops athlètes ne connaissent pas sur cette distance (ndlr les 1ers bouclent le tour en 20h environ). Pour m'entrainer à cela j'ai fait quelques randonnées très très matinales. Mais finalement c'est plus l'expérience des courses passées, et le fait d'avoir une lampe frontale performante, fonctionnelle, que j'ai l'habitude d'utiliser qui m'a permis d'avancer régulièrement sur ces 2 nuits.

N'ayant jamais fait de courses si longue, le sommeil était LE nouveau paramètre à gérer. J'ai ressenti les effets du manque de sommeil au bout de 15/16 heures de course. Je me suis autorisé un repos de 15 minutes à Courmayeur, à 11h le Samedi. Dans la descente vers Trient, j'ai ressenti un vrai manque de lucidité, avec un cerveau qui tourne au ralenti. J'ai donc tenté une autre sieste de 20 minutes à Trient (4h du matin la 2ème nuit). Ces repos très courts permettent de ne pas tomber dans un sommeil profond, et de subir un réveil qui peut être très difficile. 

Au final, je n'ai jamais vraiment réussi à m'endormir, tant l'adrénaline et l'excitation m'ont tenu éveillé.

Je t'ai entendu dire "l'ultra-trail est un sport collectif et j'en ai eu la preuve évidente". Tu avais des proches pour t'assister le long de la course ? Taillé un bout de chemin et parlé avec d'autres concurrents ? Messages d'amis pendant la course ? Ambiance le long de la course ?

C'est certain, et c'est à mon sens l'enseignement principal de l'Ultra !

Ma famille, un ami et ma petite amie était présents. Sur les points d'assistance, une personne venait m'épauler pour m'apporter la fameuse soupe aux vermicelles, me donner des chaussures et habits secs, prodiguer quelques soins : massages, ampoules,... L'idée est de repartir "à neuf" sur chaque ravitaillement. Cette aide logistique, est capitale, en plus d'être une énorme source de motivation.

S'ajoute à cela les messages de soutien des amis. Dans la fraicheur du refuge Bonati, je connais un coup de moins bien. Et là je vois plus d'une centaine de messages d'amis et collègues qui m'encouragent et sont derrière moi: ça donne une pêche énorme pour continuer !

Enfin il y a les autres concurrents. Finalement, il ne faut pas se mentir, on parle assez peu entre nous. Mais on en a parfois besoin. Soudés par l'énorme défi que l'on est en train de vivre, on entame naturellement une discussion brève, sympathique, qui fait un peu décrocher de la monotonie de la course.

Bref, ce n'est pas quelque chose que l'on peut effectuer seul, même pour les plus rapides !

Matos

On se moque souvent de l'incroyable liste de matériel obligatoire de l'UTMB®, on en pense quoi de cette liste après une édition marquée par des conditions météo difficiles ?

 Je ne sais pas qui s'en moque, peut être ceux qui vont très vite, et qui sont à la course au poids. À mon niveau, c'est capital. Il est important de ne pas considérer le Tour du Mont Blanc comme une gigantesque piste d'Athlétisme. Avant d'être de la course à pied, c'est avant tout un sport de montagne. On va donc être exposé à des températures et des conditions absolument extrêmes, allant de grande canicule (ndlr : semaine UTMB® 2016) ou températures négatives/neige. La légende de l'UTMB® s'est d'ailleurs construite autour des conditions souvent très compliquées de cette dernière semaine d'Août. 

Avec cette liste de matériel obligatoire, on peut donc pallier à toutes les conditions possibles, ce qui est indispensable pour notre sécurité, et plus simplement pour le confort de course (lutter contre le froid en course, ou manquer d'eau, sont des portes ouvertes à l'abandon). Pour l'anecdote, sur cette édition, j'ai utilisé la majeure partie de ce matériel, jusque au sur-pantalon imperméable qui nous a été imposé pour passer le Grand Col ferret. Un équipement très apprécié dans ces conditions dantesques (froid / vent).


Mental

 Te souviens-tu à quel endroit tu étais quand tu as appris que Xavier Thevenard venait de remporter la course ? Ça ne t'as pas mis un coup au moral de savoir qu'il allait avoir le temps, de prendre sa douche, de boire tranquillement l'apéro et de faire une bonne grasse mat' avant que tu n'arrives ?

Oui j'ai du l'apprendre au ravito Arnouvaz. Mais 5h plus tôt à Courmayeur, j'ai été informé qu'il était en tête avec Zach Miller, et dans un meilleur état de fraîcheur que l'Américain. Sa victoire ne m'a donc pas surpris. Là où j'ai été étonné, c'est d'apprendre l'abandon de Kilian Jornet et le gros coup de moins bien de Jim Walmsley. C'est à ce moment là qu'on a commencé à faire des blagues sur les abeilles et autres frelons asiatiques, ça nous a bien détendus.

Je n'ai pas eu de gros coup de moral d'apprendre sa victoire, même si évidemment on se dit que le gars va passer la nuit bien au chaud, en savourant sa 3ème victoire. Mais je savais dès le départ que j'allais me prendre plus de 20h par les 1ers. Certains sont des professionnels, tous sont extrêmement entrainés et quand on est sur la même course qu'eux, on se rend encore plus compte du très haut niveau qu'il faut pour en arriver là, et de la difficulté de courir à plus de 8km/h sur ce terrain, pendant 20h. 

Il était surtout important de rester dans ma course, concentré, et d'être prêt à affronter la 2ème nuit !

Tu es arrivé de jour, à une heure où il y a pas mal de monde dans les rues de Chamonix... magique ?

Tout simplement magique. C'est un moment que l'on attends tellement. Quand tu retrouves le bitume de Chamonix, tu retrouves aussi tes jambes du début de course, sans plus aucune trace ce fatigue. Et là, tout ces gens qui t'encouragent, t'applaudissent. Cette sensation, je ne l'ai jamais retrouvé ailleurs qu'à Chamonix, où l'on sent que le coeur de la ville bat au rythme de cette semaine d'Ultra-Trail.


As-tu commencé à réfléchir à un futur objectif trail maintenant que tu as réalisé ton rêve en terminant l'UTMB® ?

Pour le moment, je savoure le fait d'être finisher. Je n'ai pas encore réfléchi à la suite. Mais il est vrai que l'Ultra-Trail puise beaucoup dans les ressources mentales, et ce même avant la course avec l'entrainement, l'organisation logistique, le conditionnement psychologique et la préparation matérielle.

Sur la fin de saison, je vais lever le pied, avec peut être quelques petites compétitions en Septembre-Octobre, mais sur des formats beaucoup courts, en binôme ou en équipe. Et après, il sera temps de remettre les skis aux pieds.

Sur 2019, pourquoi pas tenter l'OCC, format "court" de l'événement (56km tout de même, on a tendance à banaliser ces distances), pour pouvoir enfin admirer de jour cette partie de la course (Champex, Trient et Vallorcine), et revivre à nouveau cette folle arrivée place du Triangle de l'amitié !


Pour conclure j'aimerais remercier sincèrement :

  • Anne Gery et Geneviève Cadot de l'Agence Infocîmes, pour m'avoir permis d'obtenir ce dossard presse


  • Mon indispensable équipe d'assistance, qui a su également braver 2 nuits blanches !


  • Les photographes : Maxime Roux-Levrat, Marion Nuguet, Oliver Gough


  • Alex Kara, double finisher de l'UTMB®, grand passionné de Trail et inconditionnel d'outzer, pour l'idée de cette interview, et ses pertinentes questions.


  • Tout ceux qui ont suivi la course à distance sur livetrail le suivi live outzer, et m'ont apportés leurs précieux encouragements.
Kara
Texte Alex Kara
Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche.

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